A fond de train avec Hirschhorn

L’artiste suisse Thomas Hirschhorn a fait en 2004 – 2005 un tabac à Paris avec son exposition « Swiss-swiss Democracy » où les références au monde ferroviaire sont nombreuses.

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« Le train est l’image du transport collectif afin de relier le monde. » Photo AC

« Swiss-swiss democracy », l’exposition de Thomas Hirschhorn au Centre culturel suisse de Paris, fermera ses portes le 30 janvier prochain. Elle a déjà pulvérisé le record de fréquentation au Centre culturel suisse de Paris avec plus de 20’000 visiteurs. L’expo a immédiatement suscité la polémique avec la question à un million : « l’art subventionné peut-il se mêler de politique ? ». Avec les Thomas, c’est toujours pareil, il faut voir pour croire. L’œuvre d’Hirschhorn est un pamphlet contre le populisme. Les collages et les slogans que l’on peut lire sur les cartons scotchés à l’intérieur du Centre culturel suisse de Paris suscitent la réflexion, remettent en cause. C’est décapant et ludique. La présence de collages de schémas du tunnel de base du Gothard et de quelques maquettes avec trains miniatures qui circulent, dévoilent l’intérêt que Thomas Hirschhorn porte au monde ferroviaire.

Que symbolise pour vous le train ?
Permettez-moi de vous répondre avec une phrase du psychanalyste français Michel Foucault. «C’est un extraordinaire faisceau de relations qu’un train, puisque c’est quelque chose à travers quoi on passe, c’est quelque chose également par quoi on peut passer d’un point à un autre et puis c’est quelque chose également qui passe. »

Quelle fonction ont les maquettes de trains dans votre exposition Swiss-swiss Democracy ?
Ce sont des maquettes (il n’y a que des maquettes des trains régionaux : RHB, BLS, etc.), donc ce sont des projets. Des projets pour relier un point à un autre. Le projet de relier le monde est là (en Suisse), mais il n’est pas réalisé, le train reste seulement à l’état d’image, d’idéal.

Les collages des schémas du tunnel de base du Gothard sont-ils là pour montrer un important aspect de la démocratie directe helvétique qui a permis aux citoyens de décider d’investir plusieurs milliards de francs pour relier de manière écologique le Nord et le Sud de l’Europe?
Les tunnels sont là (les schémas, les maquettes, les vidéos) parce qu’il n’y a pas de « génie » (suisse) de faire des tunnels. Les tunnels sont là parce qu’il y a l’obstacle naturel (la montagne) à franchir. C’est la même chose avec la démocratie. Il n’y a pas de « génie » démocratique, il n’y a pas d’idéal démocratie, il y a seulement des réalisations.

Quelle idée au juste avez-vous alors voulu véhiculer dans votre exposition avec cette présence du monde ferroviaire ?
Les trains et aussi les maquettes de trains véhiculent l’idée même de la démocratie : le collectif! Le train est l’image du transport collectif afin de relier le monde.

Au fond, votre exposition ne dénoncerait-elle pas un certain train-train helvétique ?
Je ne fais pas de jeux des mots J’aime les gens « fans du train ». J’aime les gens qui connaissent tout sur les trains, sur les lignes du train, sur les trajets, sur les maquettes du train. J’aime tous les fans.
Ce que je veux : interroger le tabou, l’idéal « démocratie », une démocratie régionale n’a aucun sens si par ailleurs au monde il n’y a pas de démocratie, la démocratie doit être une réalisation universelle. Rien n’est plus luxurieux et plus auto satisfaisant que de se dire : «je suis démocrate».

L’avant-garde artistique a une connotation élitaire. N’avez-vous pas envie d’être plus accessible envers Madame et Monsieur-tout-le-monde ?
Je ne veux pas être « accessible », faire un « travail accessible ». Je fais de l’art, je ne fais pas de la culture. Mais je veux faire un travail pour un public non-exclusif. Je veux inclure avec mon travail, je ne veux pas exclure. Je ne veux intimider personne par mon travail. Je veux me confronter avec la réalité, avec le monde dans laquelle je vis et avec le temps dans lequel je vis. Les maquettes de train, je les intègre aussi dans mon travail pour créer une fenêtre vers l’autre, pour ouvrir une porte vers l’autre, pour y inclure aussi l’admirateur de maquettes de trains.

Extrait de l’interview parue dans L’Evénement syndical, janvier 2005.