Arrivederci Roma, fini les trains de nuit pour l’Italie

Ilario Placanica, travaille depuis 21 ans comme steward sur les trains de nuit CFF. Jeudi soir 10 décembre, le noeud à la gorge, il a effectué sa dernière nuit sur l’EuroNight «Luna» reliant Genève à Rome.

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Ilario Placanica défait les derniers lits du train de nuit pour Rome. Photo AC

 

C’est son dernier tour de service sur la ligne Genève – Rome, trajet qu’il a effectué « des centaines et des centaines de fois ». A chaque arrêt entre Genève Aéroport et Brigue, il descend de sa voiture-couchette pour accueillir avec un sourire affable les clients qu’il coachera jusqu’à Bologne, Florence ou Rome. Les clients sont à peine arrivés dans leur compartiment qu’Ilario leur donne des bouteilles d’eau. Des feuilles de signatures de la pétition contre la suppression des trains de nuit circulent d’un compartiment à l’autre. Les discussions entre clients s’enflamment. « Quoi, ils veulent supprimer les trains de nuit ? Ils sont fous ! Mais qu’est-ce qui leur prend aux dirigeants des chemins de fer ? »

De Rome à Budapest
Très professionnel, Ilario Placanica recueille auprès des clients les titres de transport, les cartes d’identité ou les passeports. Il communique les informations aux chefs de train et douaniers. Dans le couloir, les discussions autour de la suppression des trains de nuit se sont calmées. Les clients se sont lovés dans leurs couchettes. Dans sa cabine de service Ilario se tire un café. « Ce que j’aime dans ce métier, c’est la grande indépendance. Le plus difficile, ce sont les horaires» commente sobrement le steward. Comme la plupart de ses collègues qui travaillent sur les trains de nuit des CFF, il est frontalier. Il vit à Domodossola avec sa femme et son fils étudiant de 18 ans. Jusqu’à la mi-décembre, son lieu de service habituel est Genève. Imaginez les horaires : départ de Domodossola dans l’après-midi. Prise de service le soir à Genève. Arrivée le lendemain matin à 9 heures et demie à Rome. Dix heures plus tard départ de Rome destination Genève en travaillant sur le train de nuit, puis retour à Domodossola. « Désormais, mon nouveau lieu de service sera Zurich. Grâce au travail du syndicat SEV dont je suis membre depuis de nombreuses années, j’ai pu conserver mon job de steward chez elvetino. Je travaillerai sur la ligne Zurich – Budapest. Les absences de mon domicile seront encore plus longues. Je parle italien, français et anglais, mais pas l’allemand. J’espère que je m’en sortirai… »

Paradoxe
Florence est derrière nous. Le jour pointe sur les collines toscanes. « J’ai le vague à l’âme » soupire Ilario en buvant un nouveau espresso. « Ces paysages, Rome, les clients que je revoyais régulièrement, les joyeux voyages de classes, les touristes asiatiques… tout ça va me manquer! Ces dernières semaines les clients me disent qu’eux aussi sont déçus qu’on ait décidé de supprimer ce train de nuit. Il était bien pratique pour un tas de monde. En tout cas, en 21 ans de carrière, je n’ai jamais effectué un voyage à vide. Ces derniers étés, nous avons eu énormément de touristes coréens. Et quel paradoxe : pendant que scientifiques et politiciens essaient de trouver des solutions pour lutter contre le réchauffement climatique, nos chemins de fer abdiquent en faveur de la voiture ou de l’avion. Quel sens ça a tout ça ? »

 Extrait de l’article paru dans contact.sev, décembre 2009.